Coeur de pierre
Cœur de pierre
L'Amour ne sert à rien. Il brise juste les cœurs, comme des pierres fragiles. C'est pour ça que j'ai laissé mon coeur de côté, que je me suis sculpté un physique solide - et surtout que je me suis intéressé aux pierres.
Rapidement, pour pouvoir continuer ma collection - et surtout ne plus voir ses yeux énamourés et ne plus avoir à supporter ses inepties - je suis parti à travers le monde. Enfin, j’ai quitté Portus Namnetus, ma ville natale, où j’ai trouvé à proximité de magnifiques aventurines brunes, du granit rose, ainsi que quelques autres minéraux que l’on a pu me rapporter du Nord. Mais ce qui m’a décidé à partir, c’est ce vase murrhins rapporté de Grèce.
Aucun soucis pour un jeune homme fils de consul gallo-romain, la seule condition étant de ne pas voyager seul. Protégé par Sifredius, le garde du corps familial, les chemins furent sûrs de la paisible Lutèce jusqu’à Lugdunum, capitale non seulement du pays mais aussi des pierres semi-précieuses qui faisaient ma passion.
– Maître Marabius, le marché aux minéraux est par ici.
Je ne réponds pas, occupé à regarder ce superbe grenat que j’ai acquis il y a peu à Alesia. Chacune des pierres que je trouve, que je paie parfois à prix d’or, me ravit bien plus que toutes les émeraudes, rubis, et saphirs cristallins que possède ma chère famille. Surtout qu’un des anciens druides, près de la forêt des Carnutes, m’a transmis ses savoirs sur la magie minérale. Mais contrairement à lui, j’ai consigné par écrit ces connaissances pour être certain de ne rien oublier; ce n’est certainement pas la montagne de muscles qui m’accompagne qui va retenir quoi que ce soit pour moi.
Je daigne enfin porter mon regard sur la direction pointée par le grand brun. Il me regarde, content de lui, presque comme cet ahuri auquel j’échappe, lorsqu’il avait mon attention. Je lui jette un regard de dédain et passe à côtés des étals. Hélas pour moi, à part de tout petits modèles, rien n’attire l’attention de mon énergie en dehors de deux pierres, totalement différentes : la serpentine, une magnifique roche verte aux dessins changeants, presque écailleux, et un lapis-lazuli d’un bleu profond. Quand le marchand m’annonce leur provenance, je prends la décision immédiate de visiter ces deux contrées. En dehors du vase, j’ai maintenant une deuxième raison pour me rendre à Delphes.
– Sifredius ! Dis-lui de m’attendre !
Je reconnais cette voix, à la sortie de la ville. C’est vrai qu’il est très facile de reconnaître le géant qui m’accompagne; cette sangsue m’aura donc suivi dans toute la Gaule ! Je me prends soudain à soupçonner le grand abruti qui m’accompagne de lui donner les pistes pour nous retrouver. Qu’espère-t-il y gagner ? Quelques pièces afin de se trouver un esclave capable d’encaisser l’immense glaive qu’il balade entre ses cuisses? Ce qui est certain, c’est qu'où nous allons, il ne sera pas le plus viril, à moins que les préférences héllénistes aient changés.
– Tu n’as rien à faire ici Druidix, avance d’un pas et je te fais arrêter par la milice.
– Laisse-moi t’accompagner où que tu ailles, j’ai besoin de te voir, même si ce n’est pas réciproque Marabius ! Je t'aime encore, c'était une erreur !
– Tu ne vas pas supporter où nous allons. Rentre chez-toi, oublie-moi. Tout le monde s’en portera mieux.
Je grimpe sur mon cheval, peste entre mes dents contre mon garde du corps, trop long à monter sur le sien, projette de lui trancher la langue; mes doutes sur son manque de fidélité s’envolent lorsqu’il colle une droite au feu follet qui veut me suivre, l’envoyant au tapis. Un botte de foin amortit sa chute, il ne se réveillera qu’avec la joue douloureuse. Bien. Je lance mon cheval au galop.
Au bout de dix jours de trajet, nous sommes à destination. J’ai évité la grande Rome, préférant Aquileia et la promesse d’un beau commerçant. Si la définition de beau devait aussi concerner ses marchandises, cela serait quelque peu surfait. Ses attributs en revanche… tout froid que je sois, il a réveillé un désir en moi en plus de me fournir une superbe cornaline rouge sang, et pour quelques pièces de plus, j’ai aussi profité d’une nuit agréable entre ses fesses bombées. Je regrette presque l’absence de possibilité de prendre une gravure instantanée, j’aurai envoyé l’objet à Druidix pour lui montrer le désintérêt total que j’ai envers lui.
– Maître, si l’on va sur la plage, nous devrions trouver la pierre que vous voulez.
Le grand brun sort le sac dans lequel se trouvent mes instruments de récolte. C’est moi, ou la toge qu’il a passé avec la chaleur est trop courte et ne révèle pas que son torse massif? Il se relève avant que j’aie pu voir si effectivement son organe dépasse la longueur du tissu. Il me regarde curieusement. Je lui tourne le dos et pars le long du sentier.
Une fois sur place, il dispose les grandes branches qu’il a ramassé à l’endroit où je décide de faire ma récolte et tend un drap pour me protéger du soleil. Malgré mes cheveux qui font que l’on passe parfois pour des frères, j’ai la peau plus pâle, et n’aime pas rester à cuire face à l’astre diurne. Je ne suis pas comme l’héliodore, qui aime se charger à sa lumière. En tout cas, les beaux jours et la luminosité suffisent à dorer légèrement mon teint, et je surprends plus d’une fois Sifredius qui laisse traîner son regard sur mes courbes. Je l’envoie chercher du bois pour le feu puis se baigner pendant que je décide de me faire un collier en plus du bel oeuf que je viens d’extraire du sol vert.
La nuit tombe avant la fin de mon labeur, je ne prends conscience du froid que lorsque je claque des dents. Malgré le feu qui illumine mes gestes, je tremble; il faut dire que je n’ai pas de tunique, seulement le pagne qui couvre mes hanches et ma virilité, jusqu’à la moitié de mes cuisses. Sifredius m’oblige à poser mes outils, me couvre d’une peau de mouton, et puisque mes tremblements continuent, me colle contre lui, tout à côté du feu. À l'inverse, lui est brûlant, comme si des flammes lui chauffaient l’intérieur. Une flamme se lève d’ailleurs et vient taper mon postérieur. Je me soulève et lui jette un regard courroucé et retourne à mon travail, cette fois à côté de la chaleur. D’où se permet-il d’avoir de telles réactions face à moi?
Dès que je reprends la serpentine entre mes mains, je me calme et ma colère disparaît. Je termine rapidement mon travail, sans faire attention au collier qu’il glisse à mon cou. Ce n’est qu’à la fin de mon labeur que je regarde la pierre aux reflets de miel pendante sur moi.
– Tu espères quoi, que je vais avoir des pulsions sexuelles ?
– Vous en avez bien eu avec ce marchand… il vous a fait porter cette pierre. Et… sans vouloir paraître présomptueux, je ne pense pas être moins bien que lui.
– Oui, sauf que tu es mon esclave.
– Et on a grandi ensemble, j’ai à peine trois saisons de plus que toi. Surtout, nous sommes au milieu de nulle part, qui le saura ?
– Je n’ai pas envie.
– Si tu étais si froid que tu le prétends, tu ne devrais pas bander.
Je soupire et le fixe dans les yeux :
– Retourne baiser des catins, ou qui tu veux, je ne suis pas du genre à être en dessous, surtout avec le monstre entre tes cuisses.
Mon effrontée et fausse indifférence ne le fait pas reculer : si je ne veux pas être pénétré, lui ne dit en revanche pas non… et il faut bien l’avouer, sa bravade n’en est pas : sa peau cuivrée, ses tétons larges et foncés, posés sur de grands carrés gonflés d’orgueils probablement capables de briser une nuque entre leur ligne, sans compter les six briques solides de ses abdominaux, il vend du rêve. Ses mains, habituées à travailler, s’apparentent tout de même à de grands battoirs doux et précis. Il me pince adroitement, me caresse, ses yeux marrons s’amusent de mes pommettes rouges. Il sourit de mes réactions, heureux de me faire découvrir cette facette qu’il n’a jamais cachée; combien de fois l’ai-je dérangé dans un de ses - nombreux - plaisirs, solitaire ou accompagné ? Puisqu’il est avec moi, cette fois il pourra aller jusqu’au bout…
Il fait voler nos vêtements et frotte nos sexes raides l’un contre l’autre. J’ai droit à une remarque appréciatrice, comme quoi sans être à son niveau, je ne suis pas un modèle de masculinité idéale dans le pays où nous sommes. Peu m’importe, les relations humaines ne m’intéressent pas.
Je manque d’étouffer lorsque sa main se pose, dominatrice, sur ma nuque, et qu’il m’attire contre lui. D’abord sur ses larges rustines, son gros gland violacé à distance respectable de mes lèvres, même s'il pourrait me forcer avec aisance. L'immense pointe de lance est excitée au point de taper sur nos abdominaux et d’y déposer de grosses gouttes translucides. C’est là que mon esprit cède, son corps me donne envie, son odeur aussi. J’aspire la pointe de son mamelon, la mordille tendrement. Ses soupirs graves montrent son appréciation, il me pose donc sur le deuxième, puis me fait goûter ses lèvres. J’oublie nos rapports sociaux et me laisse aller; lui aussi, nous découvrons donc chez l’autre un amant insatiable et sensuel. C’est pour lui une surprise, il ne m’a jamais vu de cette manière…
Nouvel étonnement quand je le retourne, posé sur la couverture, pour lui faire avaler mon glaive et commencer à goûter son épée. Il pose ses mains sur mes fesses, me les malaxe, appuie dessus pour que je m’enfonce au fond de sa gorge. Je bouge donc doucement le bassin pour profiter de sa cavité buccale et de sa langue experte. La mienne l’est un peu moins avec son calibre qui m’étire les lèvres au possible, je fais attention de ne pas mettre les dents pendant la gâterie. Les mains sur ses cuisses, je palpe ses lourdes bourses et dévoile la rosette un peu plus loin. Mes doigts entourent sa tige et la branlent tandis que je soulève ses hanches pour atteindre ce petit trou qui pulse sous ma pulpe curieuse. Un doigt rentre tellement rapidement que je passe à deux, puis bientôt trois. Je me recule pour le regarder, il rougit légèrement :
– Je savais que tu étais actif, du coup je me suis préparé un petit peu…
Je l’embrasse, et nous changeons à nouveau de position. Je veux le voir s’empaler sur moi, lui le titan, dont le sexe lourd se soulève et tape juste sous mes pectoraux moins gonflés que les siens.
Je suis au chaud avant d’avoir eu le temps de soupirer, et il envoie à travers moi des décharges de sensations incroyables, son fourreau comprime mon sexe raide dans une moiteur plus chaude que sa bouche coquine. Je dois me retenir pour ne pas jouir rapidement, la bouche ouverte, la langue pendante, les yeux dans le vague, aspiré par mon amant dans un délice sensuel. Son corps bouge au rythme de sa chevauchée sur ma pine, muscles bandés au possible lorsque le trot est endiablé. Son soldat est raide au possible, il dépose des quantités phénoménales de liquide séminal que je récolte, me droguant avec le suc de ses hormones sexuelles.
Lorsque je vois qu’il fatigue, je l’allonge sans quitter son antre, et les yeux dans les yeux, je pilonne tel un spartiate sa porte dilatée par notre marathon sexuel. Je le soulève légèrement pour reprendre en bouche le casque de son soldat, attentif au signe de l’orgasme qui approche. Nos cris de plaisir résonnent dans la nuit, et il me semble qu’un éclair traverse le ciel à l’instant où nos corps fusionnent dans la jouissance. Je relâche son gros morceau et me prends une délicieuse lotion qui lui coule sur le torse après m'avoir dégouliné sur le menton. Lui se fait généreusement remplir les intestins, et je tasse bien le tout. Je trouve ensuite la force de le nettoyer avec la langue avant de m’écrouler sur lui; il me serre dans ses bras épais et nous recouvre d’une deuxième couverture avant de m’embrasser, sa langue bataille quelques instants avec la mienne. Puis, l’un comme l’autre, nous sombrons dans un sommeil d’épuisement post-coïtal.
L’aube nous réveille, nous avons passé la nuit entremêlés. Ce n’est pas particulièrement prudent, nous aurions pu nous faire agresser par des bandits… Mais ça n’a pas été le cas et, je dois l’avouer, j’ai passé une des meilleures nuits depuis longtemps. Seul un petit tailleur de pierres nous a surpris, et il est plus amusé par notre comportement que l’improbabilité de la chose. Il va même jusqu’à me dire de me détendre, j’ai repris mon comportement limite glacial…
Avant de reprendre notre route, je prends son adresse pour avoir moyen de le recontacter un jour, comme je l’ai fait dans tous les endroits où j’ai eu des minéraux intéressants. Puis nous prenons congés, le port nous attend pour nous conduire en Egypte.
Après quinze jours de mer et trois à dos de dromadaire, nous arrivons enfin à Boubastis. Je n’ai pas vu le temps passer, et ma relation avec Sifredius a évolué. Le côté maître/garde du corps a laissé place à une complicité presque amoureuse, sinon amicale, liée aux parties de jambes en l’air. Désormais, nous nous connaissons tous les deux intimement…
Je regarde le temple qui approche devant nous, pose le pied au sol, heureux de me dégourdir les jambes.
– Je trouve que ça te va encore mieux les Chendjit, Marabius. Ta ceinture bleue, le lin, ça souligne ton corps.
Je rougis, je ne suis toujours pas habitué aux compliments, surtout les siens. Le pendentif en lapis-lazuli autour de mon cou, nous entrons dans le temple dédié à Bastet. Allez savoir pourquoi, j’ai eu envie de demander la bénédiction de la déesse de la chaleur solaire, moi qui me suis réchauffé. Avec la complicité de mon amant, c’est vrai… À moins que ce ne soit les pierres que j’ai collectées qui exercent leur magie sur moi…
Désormais, en plus d'avoir tous les moyens de monter un petit commerce de minéraux, j'ai découvert le plus beau des Trésors; l’Amour existe, il est parfois instantané, parfois plus long à construire, mais toujours là où on l’attend le moins. L’oeil de chat que Sifredius porte depuis le départ lui a-t-il porté chance, me faisant me rendre compte de ce que j’avais à côté de moi depuis le début ? Ce qui est certain, c’est que le voyage de retour sera brûlant et mouvementé jusqu’à Alexandrie, où nous allons profiter de la chaleur locale, et de la nôtre, pour un certain temps…
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