Dure résistance

 

 

 

Dure Résistance



Juin 1941. L’été commence doucement sous le soleil de Vichy. Je viens de décrocher in extremis mon diplôme, à tout juste dix-huit ans; il vient de disparaître jusqu’à nouvel ordre, pour laisser uniquement le monopole de la phytothérapie aux pharmacies. Je crois ne pas être le seul à avoir un petit pincement au cœur à cette dernière remise des papiers officiels; je vois dans le regard de mes enseignants une résignation et un abattement, comme s’ils savaient que jamais plus ils ne seraient là.

Cédric Lassare?

Je m’avance pour serrer la main du plus ancien herboriste de France qui a fait spécialement le déplacement de Rouen - ou qui a fuit l’annexion de sa ville par les Allemands, il y a un an. D'un air digne, il me félicite, louant notre métier désormais obsolète. Mon papier en poche et mon serment prêté, je quitte l’assemblée sous les murmures.

Je suis rapidement rattrapé par un de mes professeurs. Sous couvert de prendre des nouvelles de ma famille, il m’incite à ne pas participer à la guerre. Pour reprendre ses mots, j’ai “un véritable don”, à ne pas perdre. Je souris tristement : mon père s’est fait fusiller il y a six mois et mon frère est déjà parti dans la résistance, ma mère cache des Juifs à la maison, je ne crois pas avoir beaucoup de choix. Si ce n’est pas moi qui vais à la guerre, c’est malheureusement elle qui viendra à moi. Je suis en tout cas pour le moment libre de rejoindre un village perdu à côté de Nevers, où circulent tour à tour civils, armée française soumise, résistants, et envahisseurs, qu’ils soient teutons ou ritals.

Le train roulant encore vers la zone occupée, je profite donc d’un wagon vide, dans lequel j’ai tout loisir d’observer le paysage. La nature reprend ses droits sur la ville, que je ne suis pas fâché de quitter. Je me demande parfois pourquoi j’ai suivi cette vocation de santé, moi qui ne comprend pas toujours les humains. Surtout, l’ambiance morose ainsi que la répression n’engagent pas à profiter de la vie; comment en vouloir aux gens, nul n’aurait l’idée de faire la fête en ces temps sombres. Et moi je m’imagine déjà faire fortune avec de l’extrait de millepertuis qui pousse à foison sur notre propriété, pour régler tous les soucis anxieux de la population.

La porte qui s’ouvre me tire de mes pensées et de mes plans d’entreprises. Un grand blond aux yeux verts m’observe, dans son costume de nazi ridicule. Un moue dédaigneuse s’inscrit sur mon visage, je tente immédiatement de la gommer : je n’ai pas très envie de finir tabassé pour avoir manqué de respect à un membre de la Wehrmacht. Je détourne le regard, mais pas assez vite, je le vois rougir et baisser les yeux.

Vergib mir.

Qu’est-ce qu’il baragouine le germain? Je le regarde dénouer sa cravate l’air tout gêné et enlever sa veste. J’ai soudain l’impression de voir un jeune homme comme moi, perdu dans quelque chose de plus grand que lui. Sa jeunesse ne va pas avec ses galons, il doit être fils d’officier haut gradé; il doit tout au plus avoir vingt-deux ans, vu son air aussi juvénile que le mien. Son corps en revanche semble tout ce qu’il y a de plus athlétique. C’est à mon tour de rougir et de baisser les yeux. J’espère qu’il ne m’a pas surpris en train de le reluquer ! Sinon, je suis bon pour les chambres à gaz, un homosexuel, c’est presque pire qu’un juif…

Enfin la locomotive s’arrête après un long moment de gêne silencieuse, seulement entrecoupée par plusieurs fois le même “vergib mir” du blond. Ses yeux verts ne m’ont pas quittés, sans accrocher les miens, car fixés sur les arbres le long de la voie. Quel soulagement de retrouver cette petite ville, et ma mère, dans sa belle calèche ! Ah, non, dans la calèche du garde-chasse, mais tiré par notre bon gros percheron, Sirènz. Je grimpe vite à ses côtés et pose un bisous sur sa joue. Mais elle reste droite et figée, en attente.

Frau Laaaassaaareuuu?

Cédric, monte la valise du Sergent Sweetzkrieg s’il te plaît.

Hans, bitte...

La voix blanche de ma mère semble perturber encore plus le grand blond, qui se dandine d’un pied sur l’autre alors que je saute au sol et attrape son sac pour le mettre dans la carriole. Il tente de protester, mais déjà je remonte et attrape les rênes, après avoir flatté mon doux équidé. Cette grande nouille sexy se décide enfin à nous suivre et grimpe à l’arrière. Je peux donc prendre la direction de notre petit domaine.

Ma mère se racle la voix et chuchote à mon oreille :

Cédric… il y a eu de petits changements depuis la dernière fois que tu es venu, depuis que ton père…

Je sais maman…

Non tu ne sais pas. Je ne peux plus… enfin tu sais. Ils ont annexé la grande maison, j’ai eu une lettre de réquisition. Je ne sais pas comment mais ils ont su que tu étais en étude de botanique, et que dans le jardin il y a plein de plantes médicinales, donc c’est une sorte d’hôpital de campagne, un hôtel de repos, dont nous sommes les employés. En ce moment, il n’y a plus qu’un grand italien dedans. J’ai aménagé dans la petite maison secondaire avec le garde-chasse au début, mais il est parti à Sancerre. Et la semaine dernière, j’ai eu un courrier comme quoi on allait avoir un deuxième pensionnaire. On va devoir lui apprendre le français, c’est son père qui veut ça.

J’avale ma salive. Le nunuche, encore, on peut s’en occuper, mais un autre, probablement armé et sans pitié, pas comme le blond en sucre ?

Ne fais pas de bêtises mon bébé, je ne tiendrais pas si je perdais mon dernier enfant…

Maman…

Elle essuie une larme discrète à l’aide d’un de ses vieux mouchoirs brodés. Depuis combien de temps a-t-elle le même? N’ont-ils pas honte d’épuiser une mère de famille à ce point? N’ont-ils pas vu la délicatesse de son cœur autant que celle de ses mains? Si la guerre a conduit les autres hommes de la famille à prendre les armes, je suis le premier depuis les arrières grands-parents à reprendre un métier de soignant - toujours dans les plantes, qui savent si bien subvenir à nos besoins, au point de donner une vie bourgeoise à la descendance.

Une fois les grilles de nos neuf hectares de terre passées, je stoppe la charrette à l’écurie, à côté de notre “nouvelle” maison. Je retrousse mes manches, paré à répondre à tous les caprices de nos invités forcés. Je laisse à ma mère le soin de notre cheval; elle peut ainsi prendre un certain temps afin d’éviter les vraies corvées.

Cette fois, l’Allemand m’a devancé, attrapé son sac et attendu que je lui montre le chemin. Je remonte donc l’allée, aux massifs jaunes entourés d'arbres vigoureux, jusqu’à l’imposante demeure dont la façade se couvre d’une immense glycine en fleurs. Je grimpe les quelques marches du perron et m’apprête à saisir la poignée de la grande porte en bois, mais elle s’ouvre devant moi. Je fais un pas en arrière et percute le blond qui me rattrape. Nous regardons tous les deux le géant qui prend l’encadrement de la porte; brun, les yeux sombres, un corps massif dans un costume de soldat usé, son barda sur le dos. Il sort de la maison, et dans un français impeccable, de sa voix grave, il s’excuse de son départ précipité :

Je retourne en Italie, ils ont besoin de mes talents. Je reviendrais avec plaisir connaître le joli fils de mon hôtesse. Prenez soin de vous.

Je détourne le regard de ce sourire carnassier et ne bouge pas tant qu’il ne nous a pas dépassé. Il s’éloigne en sifflotant, l’air content de lui.

Un coup de vent et l’odeur de la glycine ne suffisent pas à me remettre d’aplomb, mais l’arrivée de ma mère oui. Elle conduit notre invité dans la plus belle chambre, à côté de celle qui était la mienne. Je m’y précipite, prêt à la voir transformée en centre de commande, mais il n’en est rien. Je fais le tour de notre maison, rien n’a changé en dehors de la carte et de la grande radio qui ornent maintenant la grande table en acajou du salon. Dans la cave non plus, rien n’a bougé, en dehors du garde-manger presque vide. Heureusement que nous avons quelques poules et le potager ! Je file y passer ma déception et une frustration que je mets sur le compte de l’occupation : que sont-ils venus faire jusque chez nous?

D’abord à pester sur la guerre, sur les Allemands et leurs alliés, puis sur les dirigeants - car ceux qui combattent ne sont que des pions, à qui l’on a bourré la cervelle de haine et de besoin de sang - je dilue ma hargne sur les chardons et autres mauvaises herbes qui prennent un droit qu’ils n’ont pas dans mon jardin. Le soleil tourne dans le ciel alors que j’avance dans ma tâche. Mon panier se remplit, se vide, se remplit à nouveau; une fois les légumes remis en ordre, je vais dans mon jardin des simples. La lavande finit de m’y apaiser, tandis que je ramasse des herbes médicinales, taille, récolte, pour reconstituer nos réserves de remèdes tout en sauvant mes merveilleuses plantes. Les visites de bataillons vont avoir raison de la survie de mes bébés verts ! S’ils ont respecté les lieux, ceux-ci ne sont pas faits pour accueillir des compagnies de malades par dizaines !

La nuit approche lorsque j’ai fini d'épandre un mélange de purin d’ortie et de fumier pour redonner du tonus à ma compagnie végétale. De petits pas résonnent à l’orée de mon sanctuaire, j’imagine qu’il doit être l’heure de manger.

J’arrive maman, je prenais soin de la mandragore.

Je n’obtiens pas de réponse, alors je me redresse et découvre un ange.

Mes jambes en tremblent alors que ses yeux me fixent. Ses yeux verts intenses, brillants dans les rayons de l’astre descendant à l’horizon, attrapent mes pupilles sombres. Plus je le fixe et plus mon cœur accélère, car son corps est ce qu'on peut qualifier de divin. Une fine chemise de lin couvre son torse bombé aux collines sculptées, tandis que les manches courtes dévoilent de magnifiques biceps arrondis. Un pantalon ample couvre ses jambes, mais la taille fine ne cache aucunement un attribut masculin au repos assez conséquent, tandis que l’arrière doit être aussi moulé. Ma bouche est sèche, alors que je regarde ce bonbon doré à la peau tendre lever un gros livre devant ses yeux. “Dictionnaire français-allemand”.

Jeee m’appelleeeu Hans. Jeee suis désolé.

Je fixe le jeune homme, la bouche entrouverte. Est-ce ses mots qui me paralysent? Sa voix? Ses tétons pointus dans l’air frais du soir, visibles à travers sa chemise fine? Il s’approche de moi, pointe son doigt sur lui.

Hans.

Puis il pointe vers moi.

Cédric.

Ses dents blanches manquent de m’éblouir alors qu’il me sourit. J’avale difficilement ma salive : que dirait papa, lui qui a toujours détesté les teutons? Je partage sa haine du Reich; mais ce bout de sensualité, de douceur, est-il un ennemi? Je dois en tout cas m’évertuer à l’éviter, pour ne pas qu’en un éclair, ce Hans Sweetzkrieg prenne ce qu’il veut de moi.

Je reste donc silencieux à table, dans notre grande maison puisque ma mère n’a pas voulu laisser le blond manger seul. Le repas complet se passe dans ce calme morose, ma mère abattue des évènements et heureuse à la fois de mon retour, le blond ne sachant que dire, les prunelles suppliantes posées sur nous, sans que nous ne comprenions ou ne voulions comprendre ce qu’il demande. Et moi, j’évite le regard des deux, incapable de supporter cette tension. Dès que nous avons terminé, je débarrasse et m’occupe de la vaisselle, avant de suivre ma mère dans ma nouvelle chambre.

Je ne dors pas bien et ne suis pas le seul ; je vois rapidement son air de chaton triste, lorsqu’une petite compagnie de germains débarque à l’hôtel. Ils ne prennent même pas le temps de s’installer; en vrac dans le salon, ils ne sont que de passage. Pour une semaine exactement, ce qui suffit amplement pour qu’ils finissent de piller le garde-manger et empuantir la pièce avec du tabac et leur chaussettes sales. Et je n’ai pas besoin de comprendre le germain pour comprendre certains sous-entendus qu’ils font en me regardant - surtout, les joues rouges du commandant Sweetzkrieg suffisent à me faire comprendre ce que lui ont dit ses collègues : si j’étais une fille, vu mes courbes, il aurait pu s’amuser…

C’est un soulagement pour nous tous lorsque les intrus quittent les lieux, nous laissant à nouveau tous les trois. Mais plutôt de courte durée pour ma part, car ma mère me demande de faire le professeur… C’est donc contraint et forcé que je ressors mes vieux cahiers de français, tandis qu’Hans approche avec son dictionnaire. Est-il obligé d’être si sexy? Ne peut-il pas plus s’habiller? Nous allons dans la bibliothèque pour profiter du calme qui y règne, et profiter au besoin d’exemples de lecture dans notre belle langue française.

Je remarque cependant très rapidement deux choses : la peau d’Hans est superbement lisse et doit être d’une douceur incroyable, autant qu’elle exhale un doux parfum sucré et masculin indescriptiblement appétissant. Je tente de ne respirer que par la bouche pour ne pas finir intoxiqué tout en me tenant loin de lui. Mais plus j’écarte ma chaise, plus la sienne se rapproche. Je finis bloqué par le pied de la table; n’a-t-il pas conscience de ma tentative d’échapper à son aura alléchante? C’est en tout cas un élève studieux qui n’a rapidement aucun souci d’articulation de nos syllabes plus douces que l'allemand - peut-être plus monotones ceci-dit.

Quelques jours suffisent pour que son odeur imprègne mon esprit et perturbe mes sens. Je tente alors de changer la méthode de cours : en plein air, dilué dans le vent, je n’ai qu’à lui montrer les objets et lui donner le mot français. Il est rapidement distrait, comme s’il savait déjà tout ce que je lui explique. Il m’apprend alors qu’il s’entraîne depuis plusieurs mois à de la traduction, qu’il ne lui manquait plus qu’à “parler français”. Je rougis alors : depuis le début, il comprenait tout ce que nous nous disions avec ma mère ! Je repense à tout ce qu’il a pu surprendre, s’il a laissé traîner ses oreilles… Il s’approche tout contre moi et de sa voix veloutée, il susurre :

Ne t’en fais pas je n’ai rien entendu de bien important, personne n’en saura rien. Par contre, on dit que les yeux sont la fenêtre de l’âme, et je t’assure que je peux lire en toi comme dans un livre ouvert…

Je…

Dis, ta mère et toi ne voudriez pas revenir dans votre vraie maison? Je me sens tellement seul dedans.

Je ne réponds pas, trop secoué par sa révélation précédente. Que lit-il en moi? Je cours cacher ma honte dans les bois, pour échapper à sa main sur mon épaule et son odeur entêtante.

De retour sur notre domaine, je vois qu’il a déjà mis en pratique son envie de colocataire. Je vois ma mère ravie de retrouver sa chambre, sa salle de bain, son dressing. Je la comprends en un sens, passer de dame de bonne famille à servante… Cette fois, elle ne sera que femme au foyer, avec deux grands enfants à s’occuper. Dont l’un, conscient de la gène occasionnée sur l’autre, ne tente plus de revenir à des sujets épineux. S’il discute avec moi, c’est pour apprendre à me connaître.

Pendant plusieurs semaines il partage notre vie, parfois à la cuisine avec ma mère, parfois au potager avec moi. L’été se fait très chaud, au point qu’il est plus agréable d’être dans les bois, sous les ramures vertes que dans la maison en pleine chaleur, malgré les murs épais. Plusieurs fois, le tonnerre semble approcher, l’air lourd et étouffant, mais la pluie fraîche et salvatrice n’est jamais de la partie. Heureusement qu’un ruisseau coule tout près de la maison pour arroser abondamment mes bébés verts tous les soirs ! Aidé par Hans, dont j’accepte les petites attentions, nous finissons trempés au moindre effort, puis trempés à faire une bataille d'eau. Les derniers rayons du soleil sèchent nos vêtements alors que chacun notre tour nous laissons tomber une petite confidence, comme des confidents. Dans ces moments, il tente toujours de se coller à moi; je résiste difficilement, je suis très affectif moi aussi. Ses mains frôlent parfois les miennes quand il m’offre des fleurs des champs, et ses doigts courent sur mes joues après avoir posé une couronne végétale sur mes cheveux brillants.

Je ne sais ce que maman pense de lui; moi-même, je crois être tombé sous son charme sans oser me l’avouer réellement. J’essaie d’ignorer son corps, mais son esprit doux et tendre est aussi attirant. Il laisse parfois la porte de sa chambre ouverte lorsque je passe, alors qu’il se change. Il me surprend la plupart du temps, rouge et tout émoustillé devant son corps de statue grecque. Son esprit m’attire lors de nos lectures, dans la fraîcheur relative de la bibliothèque. Comment est-ce possible d’avoir à la fois le corps et l’esprit? Je me le demande une fois de plus, mon exemplaire du Hobbit à demi refermé, car je suis allongé, comateux, après un lourd repas et la chaleur étouffante, quel que soit l’endroit de la maison.

La porte de la bibliothèque s’ouvre et je reconnais son pas sensuel. Sa voix résonne dans la pièce :

Cédric?

Mmmh, je suis là.

Il regarde sous la table et me découvre un peu plus loin; il vient s’asseoir à mes côtés, et me tend un bol rempli de fraises des bois.

Je les ai mises au frais tout à l’heure en pensant à toi.

Ses mots roulent le long de ma colonne vertébrale comme les petites billes sucrées que j’avale rapidement et le remercie. Lui semble scotché à mes lèvres, tandis que les siennes s’entrouvrent, et laissent échapper son haleine sucrée. Est-il fait en miel, avec sa peau de pêche dorée? Je n’ai en tout cas pas le temps d’y penser plus qu’il se redresse et enlève son haut :

Qu’est-ce qu’il fait chaud ! Ça va craquer avant ce soir, c’est pas possible.

Le déplacement d’air et son approche m’envoie une bouffée intense de son parfum naturel. Comme un drogué, j’hume avec avidité; j’ai chaud aussi, trop chaud !

Paralysé, proie de ce superbe spécimen de chrysope perlé, je vois s’approcher dangereusement près son visage et son corps. Chaque respiration me rend un peu plus hagard, bouche entrouverte; jusqu’à ce que la sienne s’y pose, tendre exploratrice de mon territoire vierge. Je lève une main pour le repousser, la laisse retomber; les siennes sont déjà sur mon corps, à me caresser.

Il rouvre ses beaux yeux et me fixe. Ce qu’il doit voir dans les miens doit lui plaire car il sourit :

N’aie pas peur, tu ne risques rien avec moi.

Il m’allonge et vient sur moi pour continuer à m’embrasser. L'échange est intense, tendre et affamé. Les langues bataillent tandis que nos mains valsent. Son corps brûlant chauffe le mien au-delà du raisonnable, je m’accroche à son cou. Sa bouche s’étire en un sourire, lâche la mienne pour reprendre sa respiration. Il s’allonge tout contre moi, et nous retourne; c’est moi qui suit sur lui désormais, les mains sur ses abdos parfaitement sculptés. C’en est trop pour mon esprit, entre cette bombe allemande qui a tout ce qu’il faut pour me faire exploser, et sa tendresse rassurante; je n’ai plus de salive et mon soldat est au garde-à-vous.

Hans se soulève légèrement, ce qui met son torse encore plus en valeur, et gonfle ses biceps. Je caresse le tout, hypnotisé. C’est autre chose de le voir de loin et de près ! Encore plus impressionnant, solide et si doux en même temps. Mes doigts glissent sur ses aréoles, je l’embrasse avant de vouloir y goûter. Sa peau est aussi délicieuse que ses lèvres charnues, j’en deviens dingue, surtout que ses mains glissent sur des zones sensibles que je n’imaginais pas avoir. Quand, sous le plaisir, je referme mes dents légèrement sur sa pointe rose, il laisse échapper un petit cri. Je m’en excuse immédiatement, il minimise la chose devant mon air penaud - je vois bien la petite trace sur son téton.

Pour me faire penser à autre chose, il attrape ma nuque et vient échanger des baisers de plus en plus passionnés. Jusqu’au moment fatidique où, en bougeant, je sens une large branche entre mes fesses. Moment de gêne pour tous les deux, il attrape la mienne pour me faire remarquer qu’il n’est pas le seul dans cet état. Mais je tremble trop pour vouloir aller plus loin : penser à un homme c’est une chose, concrétiser un rapport charnel en est une autre !

Nous nous allongeons main dans la main, les yeux dans les yeux. Je ne peux m’empêcher de toucher son torse qui me fascine, lui tire des petits gémissements, alors que son pantalon reste tendu. Plus les minutes passent et plus la curiosité me dévore; avec un jeune homme si romantique et si respectueux, je ne risque rien, non? Je me lance et nous partageons un moment de plaisir intense, durant plusieurs minutes.

Le premier coup de tonnerre résonne au moment de notre jouissance mutuelle. Essoufflés, heureux, nous restons dans les bras de l’autre à savourer cette tendresse post-coïtale. Son goût intime vanillé encore en bouche, nous entendons la pluie commencer à tomber. Je n’ose rompre le silence, ni pour le remercier de cette première fois si parfaite et si intense, ni pour lui proposer d’aller profiter de l’averse salvatrice. Mais le regard suffit : il se lève, me tend mon caleçon, et nous nous précipitons dehors. Nous passons devant ma mère ébahie.

Nous roulons dans l’herbe détrempée, enlacés, comme deux gamins. Nos rires complices après ce moment de rapprochement me semblent naturels, comme le reste. Je suis tellement heureux de le connaître, de vivre tout ceci.

Ich liebe dich, Cédric. Je t’aime…

Hans…

De lourdes bottes qui se posent devant nous m’empêchent de lui répondre. Je me sens palir, prêt à défaillir. Je lève les yeux, tremble à l'idée que ma dernière vision soit un revolver braqué sur ma tempe. Mais plus je lève les yeux pour dévisager le géant, moins je sais ce qui va m’arriver.

Et bien et bien, un petit français qui fricote avec l’ennemi ! Faut pas que ça se sache hein ! En tout cas je suis content que mon petit protégé ait été en bonne compagnie.

Il éclate de rire, alors que je reconnais le grand Italien. Le nœud dans mon ventre se desserre. Je pousse un soupir :

T’as des choses à me dire toi !

Tout ce que tu veux Cédric ! Tu as les moyens de me faire parler.

Et alors que nous nous redressons pour faire face au géant musclé, un éclair brille au loin, suivi par une explosion vers la butte de Sancerre. L’italien nous prend dans ses bras :

Allons à l’abri, on ne sait jamais avec ces pilotes. J’ai hâte de tout savoir sur votre histoire d’amour! N’ayez pas honte, aimez-vous. Cachés. Avec ta mère et moi, le secret est bien gardé.

Ma mâchoire se décroche. Comme quoi, en temps de guerre, tout peut arriver. La Mort, comme l'Amour, même dans les bras d’un ennemi… 

 

***

 

"Aucune reproduction, même partielle, autres que celles prévues à l'article L 122-5 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être faite
de cette œuvre sans l'autorisation expresse de l'auteur".

Commentaires

  1. Un superbe chapitre qui nous fait nous intéresser plus à l'histoire d'amour qu'à la grande Histoire

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Elle nous fait s'intéresser à une histoire plus grande ;)

      Supprimer
    2. Ouais en espérant juste qu'ils ne se fassent pas rattraper les autorités

      Supprimer
  2. Une belle histoire qui laisse pas insensible

    RépondreSupprimer
  3. Émouvante histoire, qui ramène à une époque tellement difficile pour beaucoup.. mais ce qu’il y a d’humain, d’amour de douceur restent toujours au fond de nous et parfois ,l’occasion est là avec le désir , ce besoin si puissant qu’il nous entraîne malgré les différences à la sensualité ce besoin de se toucher si puissant... là nous sommes tous sur un pied d’égalité! Merci à toi Valentin de nous rappeler que l’amour existera toujours... bisous affectueux de mamie

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Laissez-nous votre avis !

Posts les plus consultés de ce blog

Job étudiant - Partie 1

Lost In Cocktown

Infos Lecteurs - Lien Paypal