Il Giocondo


 

Il Giocondo



Venise, le 24 mai 1520


        Mon cher Gulven,

    J’espère que tu vas bien. Cela fait quelques mois que nous ne nous sommes vus; ta présence commence à me manquer, même si je peux compter sur mon très cher majordome, comme tu aimes bien me le rappeler.

    Les affaires se portent à merveille, en tout cas. Tu fais des miracles auprès de la cour du Roi, preuve en est de mes commandes de soie d’Italie. L’atelier dans la grande grange, à côté de la villa désormais terminée, ne s’arrête plus; je fais le bonheur des vendeurs de bougie et de lampes à huile, ainsi que des verriers, qui m’ont créé un système comme l’ont trouve dans les phares, pour éviter les incendies. Tu verrais la taille de l’objet ! Mais au moins ses miroirs permettent presque d’éclairer comme en plein jour.

    Trêve de bavardage, si je t’écris cette missive c’est pour t’annoncer une grande nouvelle, plus importante que nos affaires d’argent :

    J’ai invité le grand peintre Stephano de Sifrède au château, il devrait arriver prochainement. Ce prodige a été formé, dit-on, par le grand Leonardo Da Vinci de Florence ! L’art n’est certes pas ma passion, mais tu m’en parles avec tant de délices, que j’ai eu comme idée de demander à  mettre sur toile ta beauté; ainsi tu seras un peu plus souvent avec moi, d’une certaine manière…

    Je t’attends avant le solstice, sans quoi notre pauvre mère, qui t’adore, n’aura pas le temps de te revoir. T’ai-je dis que sa pneumonie, installée cet hiver, n’est pas partie avec les beaux jours ? Elle s’est d’elle-même mise à l’isolement, et refuse qu’on la voit. Elle insiste même pour que ceux qui lui apportent à manger aient le visage couvert et lui passent par la fenêtre, avec le plateau posé sur le rebord. Elle dépérit à vue d’oeil. Lui manques-tu autant que tu me manques ? Tu connais son coeur sentimental…

    Bref, lorsque tu lis cette lettre, fait diligence. Je t’attends.

            Comte Calixte Cuordolce.



    – André ! Dépêche-toi, il va arriver d’un instant à l’autre ! Mets la table, prépare le chocolat chaud, dépoussière le lustre, mais par-dessus tout, débarbouille-toi ! Il va encore me dire que c’est moi qui vient de me faire lustrer.

        Je regarde mon domestique, qui devient aussi rouge que ses cheveux et filer en cuisine, avant de reporter mon attention sur la route qui mène au domaine. En bordure de la ville, en haut d’une colline, depuis l’ancienne forteresse détruite que notre famille a acquise pour une bouchée de pain, je peux voir les alentours des lieux à la ronde. En ce moment, c’est son carrosse qui approche, il soulève un nuage de poussière dans la chaleur de l’après-midi.

        Je relis encore une fois la copie de la lettre que je lui ai envoyée, il y a près d’un mois. L’état de notre mère s’est aggravé, il ne vient la voir que pour ses dernières paroles, et entendre le partage des biens familiaux. Voilà qui va encore gonfler nos finances, notre entreprise fraternelle s’exporte de plus en plus!

        Le peintre en question est quelque part sur le domaine, à exercer son talent avec ses pinceaux. Arrivé depuis à peine une semaine, il a déjà insisté pour tirer une esquisse du bâtiment principal, ainsi qu’un croquis du maître des lieux. Je n’aime pas spécialement me regarder, mais je lui reconnais le talent d’avoir bien rendu mes pommettes fines, mes yeux verts brillants, mes cheveux dorés. J’imagine déjà le tableau de mon frère trôner majestueusement au-dessus de la cheminée; le mien ira uniquement dans la galerie des ancêtres.

        Je sais de source sûre que l’artiste n’apprécie pas uniquement l’expression artistique. Mon majordome - également mon amant au passage, et le seul serviteur que j’ai gardé - m’a rapporté une tentative de contact intime, alors qu’il avait découvert de précis croquis masculins dans les affaires du Dom Juan. Je soupire; Dieu sait ce qui nous arriverait s’il venait à se répandre comme quoi les châtelains français sont et accueillent des avaleurs de sabre !

        Le temps de vérifier ma tenue après m’être rafraîchi et je descends accueillir mon frère, mais je ne suis pas le premier à le saluer. L'imposant géant brun, Stephano, en homme éduqué, lui fait déjà des courbettes; je suis prêt à parier qu’il lui a fait un baisemain, comme à mon majordome. Rien que d’y penser, et aux mains baladeuses qui ont pu se poser sur mon dévoué homme à tout faire, je grince des dents. Je vais rapidement prévenir Gulven, ainsi il décidera lui-même s’il doit se laisser charmer par le beau peintre.

        Je peux le faire promptement, lorsque mon petit frère décide d’aller directement voir notre mère. Mais après ma mise en garde, il hausse les épaules :

    – Voyons Calixte, il t’a eu pendant quoi, deux semaines ? S’il n’a rien tenté envers toi, un Apollon séduisant sous toutes les coutures, je ne risque rien.

    – Je ne crois pas que ce soit les hommes charpentés comme lui qui l’intéressent. Il a fait des propositions à André.

    – Et donc, comme je suis un jeune homme qui a l’air tout juste pubère, comme ton rouquin que tu apprécies beaucoup, tu te dis que…

        J'acquiesce tout en frappant quelques coups à la maisonnette dans laquelle notre mère s’est enfermée. Je nous vois dans le reflet de l’oeil-de-boeuf, aussi semblables et différents que peuvent l’être deux frères : je tiens plus de papa, grand, charpenté, alors que lui est plus mince et à l’air juvénile - je parais avoir la vingtaine, comme lui, même si je suis plus proche de la trentaine. Même nos cheveux ne sont pas de la même teinte blonde. Mais dans mes souvenirs, ceux de notre paternel changeaient en fonction de l’exposition au soleil.

        Nous entrons alors qu’un râle nous parvient. Pâle et mince comme la mort, dans des draps blancs qui tiennent plus du linceul que du linge de lit, notre mère nous regarde de ces yeux pleins d’Amour - ce même amour qui me fait savoir quels sentiments je ressentais pour mon rouquin. Avec sa main squelettique, elle nous fait signe d’approcher tout en se couvrant la bouche.

    – Mes garçons… vous êtes si beaux, votre père serait si fier… J’ai…

    – Mère, reposez-vous, il faut reprendre des forces, je suis là et je vais rester avec vous, tente Gulven pour l’apaiser et la pousser au repos.

    – Mon fils… je meurs. Demain j’aurai rejoint votre père que j’aime tant. J’ai juste une dernière volonté, pour vous : je veux votre bonheur. Vivez heureux, cachez votre vice, mais vivez-le. Une partie de votre héritage sera donné à celui que vous choisirez, pour lui assurer un statut. Quoi, ne me regardez pas comme ça ! Une mère connaît ses enfants !

        Je crois qu’elle nous a tous deux bluffés. Nous ne protestons pas, recevons sa bénédiction, et envoyons chercher le prêtre, afin qu’elle ait ses derniers sacrements. Là, sous l’amandier qu’il aime tant, Gulven se met à pleurer. Je tente de le réconforter comme je peux, il n’était pas préparé à la perte d’un autre membre de la famille.

    – Hum, excusez-moi maîtres, pour le dîner, préférez-vous un risotto ou…

    – Ce sera parfait André. Merci.

        Le fin jeune homme s’esquive, désemparé. Ses yeux laissent exprimer sa tristesse, mais il se retient. Une fois qu’il a disparu, mon frère reprend la parole :

    – C’est grâce à lui que maman accepte qui l’on est ? Il te rend heureux, ça se sent.

    – Je pense oui. C’est vrai qu’il est très dévoué, c’est plus que professionnel.

    – Pas de cachotteries entre nous ! C’est toi qui m’a dit de ne pas craindre mes désirs, qu’il n’y avait pas de quoi penser que c’est un péché !

    – Je le tiens de papa, tu le sais. Bon, que veux-tu savoir? demandais-je d’un air conspirateur.

    – Tu t’amuses bien au lit avec lui ? Il est doué?

    – Oh oui ! Il est mignon, et son corps… un véritable appel à la luxure !

    – Mmm, tant mieux. Quant au peintre, il est plutôt pas mal aussi…

        C’est là que ledit peintre nous dépasse et se place devant nous. Mon frère rougit immédiatement, espérant sans doute ne pas avoir été entendu. S’il en est quelque chose, l’artiste n’en dévoile rien, et nous propose son croquis, réalisé rapidement au fusain : il nous a dessiné de loin, sous les branches du jeune arbre. C’est là que je lui rappelle pourquoi je l’ai fait venir.

        C’est donc l’après-midi même que le peintre installe son tréteau et demande au modèle de poser. Installés dans le grand salon, la chaleur va vite devenir étouffante. Ils ont cependant prévu de fines tuniques, qui mettent bien en valeur mon petit frère. J’ai hâte de voir le résultat, même si ce ne sera pas avant plusieurs semaines ! Au moins, pendant qu’ils sont occupés, je peux retourner à mes petites habitudes avec mon majordome…

    – Puis-je vous être utile Monsieur?

    – Ah, André, parfait ! Viens ici.

        Je rentre dans ma chambre, suivi par mon domestique qui sait déjà à quelle sauce il va être mangé - ou plutôt laquelle lui va déguster.

        Je m’assieds sur le lit, l’attire par la main sur moi. Une fois son corps contre le mien, je palpe ses belles fesses bombées. Ses lèvres s’entrouvrent, un soupir lui échappe; j’embrasse sa bouche pulpeuse et charnue. Je sens qu’il est tout excité. Ses yeux me regardent tellement intensément, pleins de désirs, et de cet amour qu’il ne peut exprimer à cause de notre différence de classe. Je lui annoncerai la bonne nouvelle plus tard… pour le moment, j’ai une affaire urgente bien raide à régler.

        De lui-même, il s’agenouille après avoir retiré mes vêtements. Son corps fin et musclé n’a rien à envier au mien, mais il semble toujours apprécier mon physique plus épais et sculpté. Sa bouche court entre mes pectoraux, puis sur mes abdos, et enfin il avale mon sexe. Je manque de lui déposer directement mon lait masculin lorsqu’il me prend en fond de gorge, avant d’être plus raisonnable et de ne me téter que le gland. Mon gros bourgeon rose étire déjà bien ses lèvres, et sa langue de velour m’arrache d’intenses soupirs. Je caresse ses cheveux. Mon Dieu, que c’est bon ! Il ne se passe pas un jour depuis notre première fois sans que nous nous retrouvions dans un cadre intime.

        Je l’attire sur le matelas et contre moi pour profiter à nouveau de son corps doux et chaud. Mon sexe glisse dans sa raie, mes mains frôlent sa peau; il n’est pas en reste, à caresser mes biceps, alors que sa langue glisse dans mon cou.

    – Oh… Calixte…

    – Tu la veux en toi, mon coquin.

        Si je continue à l’exciter comme ça, il va s’empaler tout seul sur ma tige. Mais pour l’instant, je décide de jouer entre ses cuisses, pendant que je lui donne à pomper mon dard épais.

        Le sien est légèrement plus petit, très satisfaisant cependant. Surtout, il mouille énormément. Malgré ma paire de bijoux généreux, il reste plus prolifique ! C’est un plaisir de déguster une pine si raide et si juteuse. Si je ne lui avais pas tant chauffé l’oeillet, il se serait laissé faire jusqu’à ce que l’on jouisse.

        Je profite en tout cas de ma pipe et glisse mes doigts dans sa crevasse. Par habitude, il s’ouvre tout seul. Je finis donc rapidement au chaud, comprimé mais sans être à l’étroit. Je le laisse  me chevaucher, puis je l’allonge sur le dos pour gérer le rythme; il va me faire jouir trop vite sinon, il me réclame si intensément. Les yeux dans les yeux, nos lèvres se retrouvent alors que j’entre et sors de lui à ma guise. Ses jambes entourent mes hanches, ses bras s’accrochent à mon cou, j’en suis au point où il perd la tête et se lâche, à crier son plaisir et l’amour qu’il a pour moi, physiquement et plus encore.

        Nous jouissons de concert, satisfaits, apaisés. Je colle mon torse en sueur sur le sien couvert de jus blanc. Ses mèches rousses partent dans tous les sens, je le trouve si craquant. C’est l’instant idéal, que je choisis pour enfin lui avouer mes sentiments et la dernière volonté de mère. Les larmes lui montent aux yeux, il a l’air de ne pas y croire; mes promesses et la sincérité qu’il lit dans mon regard le poussent à se coller à moi et m’embrasser derechef. Quel bonheur pour un intendant plein d’amour d’entendre ces trois petits mots plein de tendresse…
    
        Lorsque je retrouve le peintre et mon frère, je les trouve tous deux assez proches. La toile a bien avancé, et je constate que les deux marchent en canard. Je jette un regard de connivence à Gulven, son sourire veut tout dire : lui aussi est tombé amoureux, ou du moins sous le charme du beau peintre italien, et de son gros pinceau.

        Plus tard, une fois la toile finie, le peintre décide de rester encore à la villa. Il ne repartira que pour suivre Gulven, dans nos affaires florissantes. Inséparables, je trouve qu’ils vont bien ensemble. Il ne reste plus qu’à organiser notre mariage en secret, afin que maman voit ses petits vivre leur vie, amoureux, heureux. Jusqu'à la fin et au Paradis encore.


*** 


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