Maraboutage
Maraboutage
La boîte où je suis rangé s’ouvre et la lumière m’inonde. Sa main m’attrape, me fait rouler dans sa paume et caresse mes reflets dorés avant de venir me placer entre ses deux fins pectoraux. Je soupire intérieurement, réchauffé autant par sa peau dorée que par le soleil. Il se baisse pour se chausser et se redresse, ce qui me balance dans tous les sens. Est-ce la fine pilosité qui me chatouille ou l’inverse? Il frissonne, ses tétons gonflent, se rigidifient. Que ne donnerais-je pas pour y poser la bouche ! Seul problème, je n’en ai plus.
J’ai bien entendu parler des shamans, sorciers, et autres marabouts de pacotille; qui n’a jamais eu dans sa boîte aux lettres un papier “Marabout Ficelle, guéri de tout, fait revenir l’être aimé, attire l’argent et la chance, etc”? Les histoires de zombie des îles aussi, avec le folklore de poupées vaudous, et toutes les autres croyances que je pensais être des contes de bonne femme. Pour moi, tout ceci n’existe pas. Histoires pour enfants, mauvais films, ou croyances révolues; seule la science actuelle a ma foi et mon respect. Peut-être que si j’avais voyagé dans les pays où cette magie se pratique encore, et vu opérer, j’aurais tout au plus pu croire à une mystification, un tour de passe-passe habilement réalisé.
Me serais-je méfié? Absolument pas. Sa peau, ses cheveux de feu, son odeur délicieuse, son corps délicat et sensuel… un ensemble attrayant pour un chasseur de minets dans mon genre. Et comment est-il possible de deviner que, justement, ledit minet vêtu d’un short moulant à la limite de l’appel au viol, le torse nu sur lequel trône fièrement un collier tribal ainsi que quelques tatouages, cache en fait non pas une bombe sexuelle mais un petit magicien? Voilà comment au lieu de finir dans son lit, son anneau accroché à mon pieu, je me retrouve désormais au bout d’une ficelle dans un petit coffret en bois, à côté des bocaux d’ashwagandha, de poudre de mandragore, et autres médicaments qui relèvent autant de la cuisine que de la médecine traditionnelle.
Je ne sais pas si je regrette réellement ma vie d’avant, en dehors de quelques petits détails essentiels : le sexe et la bouffe sont deux choses qui me feraient saliver si je le pouvais, alors que j’y assiste parfois avec mon propriétaire - pas de bouche ni d’yeux, mais pourtant je vois, métamorphosé en oeil de tigre doré, comme mes cheveux d’avant, quand j’étais humain. Marcher sur la plage me manque aussi, mon corps sculpté offert à la vue de tous; ce plaisir égoïste de se savoir désiré, d’être un objet de fantasme. Maintenant je ne suis plus qu’un objet, et lorsque les embruns me touchent, c’est son épiderme que je scrute, pour observer les gouttes qui y roulent lascivement. S’il n’aime pas le surf, sport officiel de Cape Woolamai, dans le comté de Victoria en Australie, il apprécie autant les balades et l’élément liquide que s’enfoncer dans les sous-bois sous une chaleur tropicale.
Où a-t-il appris toutes ces bizarreries? Les aborigènes, s’ils respectent la nature, ne sont pas réputés sorciers; pas plus que les guérisseurs de Nouvelle-Zélande. J’ai beau scruter tous les objets de sa cabane, je n’y trouve aucune logique : j’ai autant l’impression de voir des masques africains que d’Amérique du Sud, des bolas des îles du Pacifique, des pilons en Jade probablements asiatiques, et des peaux n’appartenant à aucune espèce de cervidés communs de nos régions. Quant à lui, il s’habille tantôt avec des plumes, tantôt avec des pagnes, ou encore de manière plus moderne, comme lorsque je l’ai croisé dans cette soirée gay. Si j’étais encore sous ma forme humaine, chacune de ses apparitions aurait le même effet que cette nuit-là : une raideur incroyable, impossible à contenir. Ceci dit, je suis maintenant toujours dur comme un roc.
Je me demande souvent si, parmi ses possessions, se cachent d’autres objets silencieux comme moi, punis pour avoir tenté de goûter plus qu’à ses lèvres sans autorisation. Je m’entends encore, après lui avoir offert innocemment un verre, sussuré à l’oreille “on va chez toi?” et devant son refus, ajouter le “aller vient ma p’tite salope, je vais bien te faire couiner” qui m’a coûté mon corps de jeune étalon. J’aime imaginer que son savon, qui frotte son corps fin, y prend du plaisir. Autant que le gode siliconé que je le vois sortir parfois, avant d’aller l’utiliser, honteux, dans la salle de bain, à l’abri des regards; place enviée parmi toute ! J’en doute cependant : en dehors de quelques objets du quotidien, mon rouquin sorcier n’a que très peu de possession, et je vois mal quelle punition il y aurait à subir son contact délicat. Je jalouse d’ailleurs plus encore son nounours en peluche que son gode siliconé : si l’un joue avec lui tous les deux mois environ, lorsque ses hormones explosent, l’autre dort avec lui toutes les nuits.
Ma place n’est tout de même pas la plus mauvaise, accroché contre lui une fois par semaine au minimum, j’attire les regards. Un artifice de plus pour le rendre désirable; il n’en a pas besoin, même s’il semble l’ignorer; ou bien est-ce le contact humain qui l’indiffère? Je crois surtout qu’il veut plus qu’une relation sans lendemain, maintenant que j’ai pu l’observer. Il semble en effet sensible aux petites attentions de l’un des surfers, qui passe régulièrement le voir pour acheter un remède - ou lui offrir des fleurs. Même, je les ai plusieurs fois surpris à partager une danse sauvage sur le sable, à la lueur du feu; le mélange de sa voix douce sur une langue gutturale me fait toujours vibrer, tandis que je suis à la limite de me fendre de jalousie en observant les mains baladeuses du jeune métisse. Qu’a-t-il de plus que moi?
Son accoutrement quotidien n’a en tout cas rien à envier au soir de notre rencontre. Peut-être que son corps, plus mis en valeur encore, laissait exprimer une espèce de parade nuptiale, à la limite entre la danse animale et la séduction humaine. Je n’étais pas le seul envoûté, en tout cas; ce surfeur à la peau mate a su profiter de mon manque de tact. Il ne peut cependant pas se vanter d’avoir fait de grand progrès dans sa séduction : le rouquin sent-il un piège, ou est-il conscient que le physique de l’autre et ses nombreux ami(e)s signifient qu’il profite de sa notoriété?
Il n’en accepte pas moins une invitation à une soirée à Melbourne de ce Alejandro, un soir de pleine lune. La chaleur intense propice aux explosions hormonales a probablement joué sur son choix de tenue : son immense couronne de plume, un large collier tombant sur ses pectoraux et continuant en épaulettes, le fin pagne couvrant habilement sa virilité, il a tout droit l’air d’un Dieu Aztèque. Il se regarde dans le miroir avant de partir, ajoute des bracelets de poignet et de cheville à son attirail. Je regrette seulement que ses cheveux cuivrés ne soient pas plus visibles, alors que je trône fièrement au centre de son collier, niché entre ses collines à la peau d’abricot. La nuit tombée, il fait encore au moins vingt-cinq degrés; si peu habillé, il n’a clairement pas trop chaud, mon bel oiseau de nuit, à la ramure déployée. Même le métisse ne peut pas l’approcher autant que moi, avec toutes ces plumes !
La musique résonne, ils dansent ensemble, séparément, avec d’autres garçons. De tout type, de tout âge, ils tentent une approche, mais la longue roue du rouquin les en empêche. Un grand brun latino arrive tout de même, en venant face à lui, à l’attirer dans une lambada collé-serré. Probablement se frotte-t-il un peu trop, je n’ai pas besoin de tenter de le repousser pour que mon sorcier s’échappe ; mais il se fait attraper pour un tango endiablé. Cette fois, son partenaire - qui a, pour changer, des idées déplacées envers mon petit romantique - lui propose en même temps qu’un voyage dans une chambre, de prendre un petit quelque chose. Une roulement de hanche, le minet fuit; mais déjà il retombe sur un autre danseur, et alors que la salsa résonne, je sens son torse se gonfler et se vider, comme un long soupir silencieux. Dans un tourbillon de plumes, il laisse sur place le mâle à la peau d’ivoire, sa poutre visible dans les éclairages artificiels. D’un pas leste, il évite tous les danseurs, toutes les mains tendues, pour finir dans la rue.
Son costume attire l'œil de tous les passants; qu’ils soient ivres ou non, plusieurs tentent d’avoir une photo, voire son numéro de téléphone : mais mon jeune dieu n’a que faire de la technologie, et si sa boutique a bien le téléphone, il ne reçoit que peu d’appels. Il finit après de nombreux arrêts à trouver le port, et suit le rivage jusqu’à tomber sur un peu de sable. Là, il se laisse tomber, et se recroqueville, entouré de ses volutes délicates. Il me détache, et me regarde doucement.
– Ce que la lune fait, elle peut défaire. Inyë pel nern, fairë uswevandë vëaner. Reprends ta liberté, va.
Il me laisse rouler dans le sable et se retourne. Les immenses plumes balancent du sable en tout sens, suivent son mouvement, avant de l’entourer tendrement. Sans le voir, je sens qu’il a besoin de réconfort. Je tends le bras vers lui… le vent se lève alors que je regarde mon corps redevenu lui-même. Je bouge chaque membre, ébahi. Autant ma transformation dans l’autre sens a été remplie de sensations - notamment celle d’étouffer et de se faire écraser - autant là ce fut comme reprendre son souffle.
J’hésite soudain sur la suite : dois-je partir, comme il avait l’air de me le dire? Mais il m’attire toujours autant… comme un aimant. D’autant plus que je sens la tristesse qui l’habite, ses émotions n’ont plus de secret pour moi. Délicatement, je m’approche et écarte la couverture de plume pour observer son visage. Ses yeux se ferment pour éviter que je plonge dans ses pupilles abyssales, dont les larmes s’échappent.
– Va-t-en, je ne t’ai pas rendu ton apparence pour que tu t’occupes de moi.
Sa petite voix tremblotante marche aussi bien que n’importe laquelle de ses formules. Je l’entoure de mes bras et le berce contre moi.
Lorsqu’il quitte mes bras et se lève avec l’intention de rentrer chez lui pour se reposer et se remettre de ses émotions, je le raccompagne. Prudemment, je glisse une main dans la sienne sans abîmer ses plumes et appelle un taxi de l’autre. Si pour venir à Melbourne, c’est le métisse qui l’a amené, au retour je m’occupe de lui; nous voyons d’ailleurs juste en montant dans le véhicule ledit Alejandro, collé à ce que l’on pourrait nommer sans hésiter un minet affamé. Lui aussi nous voit, et il ne rate ni la main de mon petit sorcier qui m’attire dans la voiture, ni l’étrange correspondance vestimentaire - je viens seulement de remarquer mon short bariolé et mon collier de plumes.
Sur le trajet, par contre, la distanciation refait surface, et mon rouquin préfère se coller à la vitre plutôt qu’à moi. Je ne peux lui en vouloir de chercher l’air frais de la nuit plus que mon corps brûlant. Et s’il ne l’exprime pas, je sens une gêne de s’être montré si vulnérable. Oublie-t-il que j’ai passé un certain temps, silencieux, avec lui?
Je ne pousse pas le vice jusqu’à l’accompagner dans son lit, une fois que j’ai payé le taxi et que nous sommes devant son palier. D’un geste las, il ôte sa couronne; ses cheveux aplatis me donnent envie de les caresser, ce que je fais un y accrochant une fleur tropicale. Puis, j’ouvre les bras pour une accolade, pour lui laisser le choix de notre au-revoir. J’ai presque la vision des rouages de son cerveau qui s’activent, et la balance interne peser le pour et le contre. Il accepte cependant, visage levé vers moi et respiration retenue. Sent-il une mauvaise odeur de ma part? Je dépose une bise rapide sur sa joue, il rougit et quitte notre bulle de félicité - c’est du moins ma sensation, je pourrais rester des heures avec lui dans mes bras, comme sur la plage.
Mes pieds me reconduisent de manière automatique dans mon appartement. Je retrouve mon chez-moi, qui me paraît surchargé et fade, futuriste, à côté du cocon de nature épuré beaucoup plus apaisant que j’ai quitté. Si j’avais encore été une pierre, j’aurais retrouvé mon étagère, dans cette ambiance zen, bercé par le ressac et les bruits de la forêt. Là, je n’ai que le silence de la nuit, perturbé par les quelques activités humaines qui ne cessent jamais vraiment.
J’attrape mon téléphone portable et regarde mes notifications. Des tas de mails publicitaires, de messages de mecs en rut frustrés de mon absence, un seul de mes parents pour avoir de mes nouvelles. Sans savoir pourquoi, j’appuie sur l’icône verte, et prie qu’ils ne soient pas couchés. Les secondes passent et les sonneries s'égrènent. Alors que je perds espoir, la voix de ma mère, toute endormie, résonne dans le combiné :
– Allo? Qu’est-ce qu’il y a mon coeur?
– Je…
– Tu as fait une bêtise? C’est pour ça que tu nous appelles en pleine nuit? Tu es au poste? Je m’habille, j’arrive.
– Je suis chez moi maman. Juste…
– Tu as l’air triste mon fils, qu’est-ce qui t’arrive? Un garçon t’a brisé le cœur pour se venger?
– Presque. Je suis tombé sous le charme du petit apothicaire de la plage, mais je ne sais pas comment lui plaire.
– Eh bien! Quelle bonne nouvelle! Un jeune homme qui résiste à ton physique ! Il faudra me le présenter.
– Maman ! C’est pas drôle !
– Mmmh, tu as vraiment changé, je le vois. C’est bien. Maintenant, s’il te résiste et que tu veux lui plaire, il faut aller dans son sens. Apprends à le connaître, intéresse-toi à lui, et montre-lui ce que ça peut lui apporter de t’avoir dans sa vie. Enfin, si tu n'as pas pour but de jouer avec lui…
Un pincement au cœur à cette remarque, je discute encore quelques minutes de romantisme et de réelle séduction plus que de drague avec ma mère, avant de la laisser regagner son lit. Dès que j’ai raccroché, mes pensées reviennent sur lui : son visage calme et angélique, endormi, posé sur son oreiller, ses draps fins - j’ai déjà partagé son lit sous une forme qui ne pouvait l’effrayer. Non, ce n'est pas un jeu, je ne veux pas qu'il soit juste un trophée de plus à mon tableau de chasse. La fatigue me tombe dessus soudainement, et je titube jusqu’à mon propre matelas pour sombrer dans un sommeil profond.
Je rêve d'une immense forêt, bien différente de la petite qui borde la boutique de mon Apothicaire adoré. Arbres immenses, verdure à perte de vue, lianes, bruits inconnus : la jungle amazonienne dans toute sa splendeur. D'étranges fleurs tropicales aux odeurs variées et aux couleurs bigarrées s'écartent, pour laisser couler un énorme serpent. Python ou Anaconda? Ma connaissance des reptiles n'est assurément pas parfaite. Je retiens mes jambes difficilement alors que la bête se rapproche, sa tête aussi grosse qu'une pastèque, tandis que son corps n'est pas encore totalement visible. Les yeux verts me clouent sur place et je me laisse avec horreur entourer par ce tuyau musculeux. J'ai beau être certain de vivre dans un rêve, je n'en ressens pas moins les écailles du serpent qui frottent contre mes bras, et sa prise se resserrer petit à petit. S'il y a bien une chose qui me terrorise dans la vie, c'est le manque d'espace. La sensation d'étouffer me prend déjà alors que les anneaux ne sont pas encore à me comprimer. Mais avant d'être en totale panique et de me réveiller complètement asphyxié et en sueur, une drôle de poudre jaune s'écrase sur le museau du serpent.
– Laisse-le, ouste! Inia meta luë, sarracas.
Souple et vive, la bête se déroule et fuit, me laissant tomber à genoux. Sans avoir à lever les yeux, j'ai déjà reconnu sa voix. Un sourire s'étale sur mes lèvres, alors que je découvre mon petit Dieu des bois. De fines sandales d'abord, un pagne court aux couleurs vives ensuite, un collier de dents et une petite couronne de plume enfin - rien à voir avec la traîne de notre petite soirée. Son torse mince et athlétique est barré par une besace en peau dans laquelle il range la poche de poudre qu'il vient d'utiliser. Il se saisit ensuite de l'arc à ses pieds, me faisant voir le carquois en roseau dans son dos.
Je profite de son inattention pour le saisir dans mes bras et l'embrasser. Ce n'est qu'un rêve, de toute façon. Puis je dois bien le remercier de m'avoir sauvé la vie! Comme dans la vie réelle, ses pommettes rougissent; il semble gêné d’avoir autant apprécié mon contact. J'en profite pour essayer de happer ses lèvres encore une fois : raté. Je ne peux pas réussir à tous les coups.
Nous partons ensuite à travers bois jusqu'à une grande cascade, dont les embruns dorés me semblent anormaux. Après étude rapprochée, il s'avère qu'une roche brillante reflète le soleil, créant cette illusion. J'apprends que c'est de l'héliodore, dont mon beau compagnon me donne un morceau roulé, taillé par le flux aqueux. Pierre de soleil, Pierre de joie, j'oublie ses autres propriétés, qui ne sont pas bien différentes de l'effet qu'a le rouquin sur moi. Je veux m'approcher de lui pour le prendre encore contre moi, mais je glisse sur les rochers humides et perds l'équilibre.
Si je suis mouillé, c'est à cause de la sueur. Mes yeux se sont ouverts sur ma chambre bétonnée, dans laquelle règne une température intense. Le soleil brille à l'extérieur, il doit être près de midi. J'allume la radio, et lorsque le présentateur annonce la date, je découvre que je viens de dormir plus de soixante-douze heures. Je n'ai cure de la canicule extérieure, j'attrape une bouteille d'eau après une douche rapide et m'apprête à sortir quand je vois à côté de mon oreiller un éclat jaune. La bouteille me glisse des mains : c'est la Pierre que j'ai eu en rêve. Comment a-t-elle pu arriver ici?
Je ramasse mon eau et pars pour la plage, là où je trouverais mon explication. Je me gare rapidement en vrac, la tête ailleurs, avec lui. Sur le bout de trajet pour le rejoindre, je pense soudain à une petite crique isolée, où je pourrais l'emmener pour un pique-nique romantique… mais pas le temps de développer ma pensée plus avant, car des cris viennent soudain d'un buisson devant moi. Je m'immobilise, comme certain de voir le serpent de mon rêve en sortir. Les buissons bougent de plus en plus, les voix se rapprochent. Il sort des buissons, suivi d'Alejandro ; comme dans mon rêve, il lance une poudre à sa figure, tout en continuant de crier :
– Mais tu vas me laisser à la fin, oui?!? Je te dis que j'ai un copain! Arrière ! Limön matui në !
Si ses mots n'ont aucun effet sur le métisse, sur moi en revanche… je sens mon coeur se serrer, alors qu'il me semble désormais inaccessible. Pas étonnant qu'il me refuse! Son copain doit être aussi divin que lui!
Ses yeux pétillent lorsqu'il me découvre, avant de retrouver leur voile de mystère. Il s'approche de moi et se colle, tandis que l'autre me regarde, des yeux verts et froids reptiliens teintés de mépris. Je fixe ce regard émeraude, la haine montant, tandis que j'entends sa belle voix dire assez fort pour que l'autre l'entende :
– Ah, tu es là, Damian. Tu es en avance pour notre rendez-vous.
Fait-il semblant? Manipule t-il le monde à sa guise comme moi lorsque je n'étais qu'un cailloux? Toujours est-il que nous sommes deux à croire ses paroles. Surtout qu'il connaît mon prénom. Alors je gonfle les biceps et attrape l'autre, le soulève ; j'amène sa tête de vipère triangulaire à ma hauteur et déverse mon dégoût contre lui :
– Laisse-le, tu n'es rien pour lui, tu ne le mérites pas. Si je te vois traîner autour de lui, je vais m'occuper de toi.
Je l'envoie rouler-bouler dans les herbes hautes tandis que le rouquin attrape mon bras. Je me laisse attirer jusqu'à sa boutique, où il me laisse m'installer dans son hamac tandis qu'il vide les plantes de son sac.
Je me sens tout d'un coup beaucoup moins sûr de moi. Si l'autre faisait la même taille que lui et donc une tête de moins que moi, de nous deux c'est lui qui a le pouvoir - sans compter celui qu'il a sur mon cœur.
– Comment?
– … je connais ton prénom? Ça se devine. Et je suis sûr qu'au fond de toi tu sais le mien.
Je réfléchis quelques minutes, avant de murmurer :
– Vamattë. Mais… j'ai tellement de questions.
– Et tu auras les réponses en temps voulu. À quoi ça te sert de savoir d'où vient ma magie? Tu as bien vu qu'elle ne me sert pas tellement. Juste pour me défendre, fuir, ou sauver un beau garçon en détresse d'un Anaconda affamé.
Je réponds à son sourire, la question de comment j'ai pu me retrouver dans une jungle toujours inconnue. Une autre priorité me vient plutôt en tête, celle de partager un bon moment avec lui. Je lui propose ma balade - sans préciser qu'elle est romantique - et me lève pour préparer le pique-nique sans attendre son approbation. Avec un soupir mi-amusé mi-exaspéré, il ferme la boutique et se change : la chaleur est telle qu'il abandonne son haut, ce que j'avais déjà fait en quittant ma voiture, puis il sort un panier et deux "potions" énergisantes à l'eau pétillante bien fraîche.
– Allons-y !
Sans le réaliser je me retrouve à côté de ma voiture alors qu'il patiente gentiment. J'aurais pu rester à le regarder marcher des heures, ses hanches ondulant de manière involontaire à cause de sa belle miche délicieusement arrondie. Mais je m'installe et me concentre sur la route. Si le trajet n'est pas long, il faut en revanche traverser une portion de route très fréquentée, et même si je ne doute pas de survivre à n'importe quel accident, je préfère éviter de causer une catastrophe mécanique.
– Tu es sûr que c'est par là ?
– Oui oui! Fais moi confiance !
La route sur laquelle je tourne a en effet de quoi surprendre. Étroite, en virage, mais surtout de nombreux dos d'âne : de quoi faire s'entrechoquer les perles du collier du rouquin, et sautiller mes pectoraux, sur lesquels ses pupilles restent fixées. Objectif réussi! Ses joues rouges me plaisent beaucoup, tandis que la distance et l'indifférence dans ses yeux ne sont plus qu'un lointain souvenir au fur et à mesure de mes tentatives de séduction. Une flamme y brille avec force; j'en ai la bouche sèche et des papillons dans le ventre d'appréhension. Je ne veux pas tout rater, être la meilleure version de moi-même.
Une fois correctement garé, je l’entraîne sur le chemin sableux qui conduit à la plage. Le panier à pique-nique dans une main, j’essaie de prendre la sienne dans l’autre. Il sursaute, mais accepte le contact; nos doigts s’entremêlent alors que l'épaisseur de sable nous ralentit, dans cette crique isolée; un sourire béat s’inscrit sur mon visage sans que je ne puisse rien y faire. Nos yeux se rejoignent, je manque me perdre dans les siens, tandis que ses lèvres m’attirent. J’ai chaud, terriblement chaud. Mon cœur accélère comme s’il voulait sortir de ma poitrine et trouver son contact apaisant. Je laisse tomber le panier au ralenti, tandis que mon souhait se réalise; son corps fin se colle au mien, sa peau de pêche caresse la mienne de manière encore plus sensuelle qu’avant. Un gémissement m’échappe lorsque l’une de ses mains caresse mes cheveux. Lui ronronne aussi des papouilles qu’il reçoit, sur ses magnifiques cheveux cuivrés, son dos, ses fesses… Je saisis à pleines paumes ce morceau de désir, tandis que mon sexe étire allégrement mon short.
– On se calme, on va pas faire l’amour sur la plage!
– Personne n’y vient, on peut si tu veux…
Il regarde mon sourire carnassier, lève les yeux au ciel, avant de dire :
– Tu n’auras pas plus que ça en public.
Il se redresse et ses lèvres goûtent les miennes. Je m’accroche à lui pour qu’il ne s’arrête pas si rapidement qu’il a commencé. Je dévore ses lèvres charnues, viens titiller sa langue avec la mienne, et recommence avec une fougue et une passion que je n’ai jamais eu. Je ne stoppe que lorsque nous sommes essoufflés et les joues en feu. J’évite de toucher mon membre viril, je me sens près de jouir sans m’être touché. Je souffle :
– Wouah, c’est intense avec toi. Tu me rends dingue depuis la première fois qu’on s’est vu.
– Je sais. Sauf que maintenant tu as eu une ou deux leçons qui font que tu es presque parfait, et tu me plais.
Je l’embrasse derechef. Notre pique-nique va attendre, mon petit dieu Roux est dans le même état que moi. Comme quoi, ce petit bout de plage paradisiaque est vraiment romantique !
Nous ne rentrons qu'à la nuit tombée, après une tendre journée enlacés, entrelacés, sur le sable, dans l'eau ou sous les cocotiers. C'est comme si un verrou avait sauté en lui, je découvre une nouvelle facette, douce, tendre, en besoin affectif. Il n'arrête pas de réclamer des câlins, de me caresser et de m'embrasser. Résultat, je suis dans un état de priapisme incroyable. C'est de lui-même qu'il m'attire contre lui dans sa minuscule douche, puis dans son lit. Là, son tempérament de feu explose, il me fait de ces choses que jamais je n'ai connues. Pas de honte, ni de retenue. Seulement du plaisir, jusqu'à ce que l'on tombe de fatigue.
L'aube nous réveille en pleine forme malgré la courte nuit. Nimbé d'un halo solaire, il a plus que jamais l'air divin, mon rouquin. Mon palpitant s'enflamme, alors que, hypnotisé, ces quelques mots m'échappent :
– Je t'aime.
Il sourit tendrement, se penche sur moi et m'embrasse avant de répondre :
– Ça te dit de passer de mon étagère à mon lit?
Son regard amoureux est la plus belle récompense qui soit; jamais je ne me suis senti si beau et attirant. Comment lui résister? Je suis désormais à lui, depuis ce premier soir…
***
"Aucune reproduction, même partielle, autres que celles prévues à l'article L122-5 du code de la propriété intellectuelle, ne peut être faite de cette œuvre sans l'autorisation expresse de l'auteur".
Un texte d'amour fantastique ! L'amour c'est vraiment magique avec toi
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé et ce texte te ressemble bien. De l'amour de la tendresse, du mystère et de la magie et surtout la nature.
RépondreSupprimerToujours aussi profond quand il s'agit de représenter l'amour
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